Тропинка в Библиотеку

Анри Лобари

Может быть Вы помните его в чудесном фильме Алана Рене
"Мой американский дядюшка" вместе с Жераром Депардье?
..


La Nouvelle Grille

Pour decoder le message humain

Оглавление

Человечество не обходится без решеток и схем. Преодолемая мирской беспопядок оно постоянно ищет значимые термины, которые описывали бы окружающую среду все более эффективно и помогали бы нам выживать.
Важно подчеркнуть, что индивидуум с рождения попадает в социо-культурные рамки, в которых действия и мысли автоматически поддерживают иерархию общества. Автоматизм мыслей составляет набор утвержденных эпохой ценностей. Когда мы говорим об автоматизме, то говорим о бессознательном социокультурном детерминизме.

INTRODUCTION

L'homme n'a jamais pu se passer de grilles. Devant le desordre apparent du monde, il lui fallut chercher les termes signifiants, ceux qui, associes entre eux, rendaient son action sur le milieu plus efficace, lui permettaient de survivre. Devant l'abondance infinie des objets et des etres, il a recherche entre eux des relations, et devant rinfinie mobilite des choses, il a cherche des inva-riances.

II a ajoute de rinformation au monde inanime, mais cette information ne pouvait etre que celle qui deja structurait son systeme nerveux. Heureusement pour lui, la combinatoire que lui permettaient ses systemes asso-ciatifs, lui a ouvert le chemin du langage, de rabstraction et de la creation de nouveaux schemas interpretatifs du monde, le chemin de la complexite. En effet, lorsque ses schemas interpretatifs etaient recompenses par une effica-cite accrue de son action sur le milieu, une nouvelle moisson de faits jusqu'alors inconnus venait completer au cours des siecles I'engrangement de ses connaissances. II a toujours procede en quelque sorte par hypothese de travail, suivie d'experimentation. Mais, pendant des mille-naires, ce qu'il ne pouvait expliquer par un raisoimement logique demeurait dans le domaine du mythe. C'est ce qui fit la fortune des pretres.

La decouverte de la machine a vapeur developpa chez 1'homme ses pretentious explicatives. C'est un fait que la decouverte des lois du monde inanime s'accelera consi-derablement a partir d'une epoque recente au point que l'homme devint en quelques decennies maitre de 1'energie. Mais sa connaissance de lui-meme ne suivtt pas une acceleration identique et il manie aujourd'hui, en pleine ignorance du fonctionnement de son inconscient, une puissance de destruction considerable. II faut se rendre a 1'evidence : la grille thermodynamique ne lui permet pas a elle seule 1'explication du monde vivant.

Or, ce monde du vivant, en font partie integrante, aussi bien l'individu que l'espece, et que les groupes d'individus, sous-ensembles sociaux multiples, epars a travers le monde.

Depuis de nombreux siecles deja certains hommes ont tente de dechiffrer la structure complexe et dynamique des rapports sociaux. Les grilles les plus recentes, celle de Marx et celle de Freud, en ont permis une lecture plus precise, done plus efficace. Malheureusement elles font encore l'impasse de la connaissance des mecanismes complexes qui gouvernent le fonctionnement des organismes humains, celui de leur systeme nerveux en particulier. Or c'est par l'intermediaire de ceux-ci que se realisent les rapports interindividuels.

Cette insuffisance est comprehensible. Les systemes vivants etant constitues des memes elements atomiques que la matiere inanimee, c'est leur structure qui les differencie. La notion d'information et celle des regulations cybernetiques sont indispensables a l'approche scientifique de ces structures. Or ces notions ont a peine vingt a trente ans d'existence. II y a beaucoup moins de temps encore que nous avons appris a les utiliser efficacement en biologic.

La "nouvelle grille" est ainsi la grille biologique permettant d'entrevoir comment dechiffrer la complexite de nos comportements en situation sociale. J'en ai pris connaissance progressivement au cours de mon experimentation joumaliere au laboratoire et j'ai tente d'explo-rer les possibilites interpretatives des phenomenes sociaux qu'elle parait capable de nous foumir. Le plus grand nombre de livres que j'ai ecrits depuis plus de vingt ans sont ainsi 1'expression de mon travail experimental sur la "Reaction organique a I'agression";.

Les syntheses conceptuelles auxquelles celui-ci m'a conduit ont donne lieu plus recemment a mon dernier ouvrage specialise ' qui tente de reunir l'essentiel de nos connaissances concemant le fonctionnement du systeme nerveux humain, de la reaction enzymatique aux comportements en situation sociale.

Mon approche a done ete avant tout experimentale. Mais rimportance sociale de ces connaissances m'est apparue telle qu'il fallait tout faire pour ne pas les conser-ver prisonnieres entre les murs des laboratoires. Aussi, parallelement, ai-je ecrit des ouvrages de vulgarisation avec I'espoir de repandre certaines notions qui me parais-sent indispensables pour que chacun de mes contempo-rains puisse se mieux situer dans le monde ou il vit, par rapport aux autres et par rapport a lui-meme. Peut-etre aussi dans I'espoir de participer il 1'evolution des societes contemporaines.

1. H. LABORIT, Les comportemenfs. Biologic, physiologic, pharmacologie, Masson et C1' edit., 1973. Voir aussi H. LABORIT, Reaction organique it I'agression et choc, Masson et C" edit., 1952.

B ne s'agit pas d'autre chose que d'une grille proposee a 1'experience des hommes : une "nouvelle grille", sachant, bien sur, qu'elle n'est la derniere que tant qu'une autre grille plus complete, 1'englobant, comme elle a elle-meme le desir d'englober les precedentes, ne viendra pas la remplacer.

Je tiens aussi a preciser que cette grille biologique a egalement la pretention d'etre aussi generalisante et inter-disciplinaire que possible dans le domaine meme de la biologic. II en resulte que 1'on pourra reconnaitre au passage de nombreux apports empruntes a 1'ethologie, a 1'etude behaviouriste ou skinnerienne des comportements, a la psychanalyse, a la psychologie experimentale ou a la linguistique contemporaine. On pourra retrouver certaines idees developpees dans mes precedents ouvrages depuis dix ans, ou resultant du travail experimental au labora-toire de notre groupe de recherches. Mais 1'assimilation d'un fait scientifique a un ensemble qui le comprend, le transforme en general de facon profonde. On debouche alors non sur une simple synthese interdisciplinaire, mais bien sur la construction interdisciplinaire d'un ensemble nouveau qui transfigure chaque element en lui creant de nouvelles relations. C'est ainsi que 1'agressivite, telle que les ouvrages de certains ethologistes comme K. Lorenz ou R. Ardrey nous en proposent la comprehension chez 1'homme, prend une tout autre signification quand elle est placee dans un cadre biophysiologique plus large. De meme 1'affectivite dont depuis McLean le systeme lim-bique serait le support, devient le sous-produit de la memoire. Celle-ci sous sa forme biochimique devient la base des automatismes sous-culturels et ces derniers la plaque tournante des conflits entre les pulsions hypotha-lamiques et la construction des structures imaginaires.

Comme 1'a suggere Montaigne, il est utile de faire comme les abeilles, de butiner le sue de fleurs variees pour en faire autre chose. Je souhaite que notre miel soit comestible. C'est sur le plan sociologique, economique et politique qu'il sera interessant de le gouter. En effet, la notion d'information et de structures dynamiques, celle du systeme ouvert sur le plan thermodynamique et infor-mationnel risque de changer assez profondement les automatismes de pensee que nous entretenons a leur sujet \ Beaucoup de problemes que nous abordons dans cet ouvrage et que nous reprenons de nos travaux personnels, de nos livres ou de nos publications anterieurs, sont deve-nus depuis peu des sujets a la mode qui rejouissent la grande presse et constituent 1'objet courant de conversations de salon. Mais ils sont generalement abordes sous une forme parcellaire, car seui le specialiste a quelque impact sur 1'opinion. II est digne de croyance car son expose se presente forcement sous une forme simplifiee, celle de sa discipline. Les syntheses se revelent generalement plus complexes, demandent de la part du lecteur, meme lorsqu'elles sont vulgarisees, c'est-a-dire simplifiees, un effort important d'attention, un spectre de connais-sances plus etendu. Leur diffusion se montre en consequence plus difficile. Leurs conclusions sont aussi profondement differentes.

Et puis surtout quand une synthese ne s'integre pas facilement dans les schemas culturels connus, quand elle ne favorise pas un courant d'opinion existant deja, une ideologic politique ou socio-economique en vogue, elle a peu de chance de trouver un echo immediat. Elle ne peut etre prise au serieux. Celui qui 1'exprime ne fait pas preuve d'un humanisme de bon aloi; cet humanisme qui ne derange rien, qui fait appel aux grands ancetres, a la "culture"; en place, c'est-a-dire a 1'ensemble des prejuges et des lieux communs d'une societe et d'une epoque.

Mais il y a tant de ]'oie a etablir une structure nou-velle que 1'approbation n'est ni necessaire ni suffisante, bien qu'agreable, a la motiver.

Est-il possible de resumer notre projet ? Je le voudrais afin que le lecteur ne soit pas trop decontenance par la lecture des premiers chapitres. Si sa culture est avant tout litteraire, il risque de fermer ce livre et de I'abandonner. Soyez gentil, faites 1'effort de lire les deux premiers chapitres, meme si certaines notions vous paraissent obscures. Elles sont fondamentales puisqu'elles tentent de foumir une vision dynamique de I'organisation des systemes vivants a partir des theories recentes de 1'information, de la theorie des systemes et de la cybernetique. Elles s'eclair-ciront par la suite dans les chapitres qui abordent, des le troisieme, le niveau sociologique pour lequel ce livre a ete ecrit. Le second chapitre schematise la structure fonction-nelle du systeme nerveux. Comment en effet continuer a ignorer 1'essentiel concernant ce merveilleux instrument que nous utilisons de notre naissance a notre mort et qui autorise toutes nos relations avec le monde qui nous entoure, ce monde que peuplent les hommes, les autres hommes, et qui permet aussi la conscience que nous avons du monde qui vit en nous ? Or ce monde-la, le monde de 1'inconscient, est bien different de la conscience que nous en avons. Comment se structure-t-il ? Non pas seulement avec des mots, mais d'abord avec des molecules.

C'est avec ces instruments conceptuels, qui n'ont jamais encore ete utilises a notre connaissance dans 1'ap-proche experimentale des faits sociaux que nous aborde-rons 1'ensemble du theme, social, economique et politique. Ils n'ont encore jamais ete utilises parce que leur expression est trop recente et que la synthese que nous en avons faite est difficile a realiser par le specialiste.

II m'est reproche frequemment de chercher dans le social l'analogie avec le biologique. Le raisonnement par analogic jouit avec raison d'une mauvaise reputation et je ne suis pas certain que ce reproche, pour ceux qui l'expriment, ne soit pas simplement une maniere de se debarrasser, de refouler, des faits genants, en demeurant au sein d'un territoire limite, le leur, qui les gratifie et qu'ils defendent. J'utilise parfois 1'analogie, mais 1'essentiel de ce que j'apporte n'est pas a mon sens du domaine analogique. En realite, 1'observation des faits biologiques nous a fait decouvrir, je le crois, des lois structurales qui paraissent valables pour tout le domaine du vivant. Nous reprocher ce qu'un examen superficiel et un jugement teinte d'affectivite considerent comme analogique, s'appa-rente au fait de reprocher a quelqu'un 1'application des lois de la gravitation, a un chien, a un groupe de para-chutistes ou a un caillou. Nous sommes bien d'accord par contre pour dire que ce n'est pas, par exemple, parce qu'il y a des "arteres" qui permettent la circulation dans une ville, que 1'on peut comparer une ville a un orga-nisme et le coeur de la cite a celui des mammiferes, si ce n'est sous la plume des poetes et de certains urba-nistes.

Par contre, preciser les notions d'energie, de masse et d'information, permet d'aborder la sociologie, 1'economie et la politique, sur un trepied solide puisqu'il supporte 1'edifice de la science contemporaine. Mais avant d'attein-dre le niveau d'organisation des sciences dites "humai-nes" ce trepied doit aussi servir de base a la mise en place de la biologic generate et de celle des comporte-ments humains en situation sociale. Nous les retrouverons done a chaque page des onze chapitres suivants.

Nous verrons coniment le fait de posseder un lobe orbito-frontal et des systemes associatifs corticaux deve-loppes, permet a I'homme de traiter I'information et par quels mecanismes son imagination ajoute de I'information au monde qui I'entoure. Comment cette propriete specifique fut a rorigine de sa domination du monde inanime et plus tard la base des hierarchies de dominance uniquement fondees sur le degre d'abstraction de I'information technique, professionnelle, qu'un individu utilise. Nous verrons pourquoi les societes animales et les societes humaines sont soumises a cette pression de necessite des structures hierarchiques. Nous analyserons les mecanismes d'etablissement des pouvoirs et des dominances, de la notion de territoire et de propriete, le mythe de la democratic, de 1'egalite et de la liberte, mots qui n'expri-ment qu'une affectivite pulsionnelle satisfaite, gratifiee ou au contraire alienee, dependante, soumise a la dominance de Fautre.

Nous tenterons de fournir les premices d'une solution et pour cela nous developperons la distinction entre information professionnelle, introduisant l'individu dans un processus de production de marchandises, et l'information generalisee dont ce livre est un vade-mecum. Seule, celle-ci peut donner au citoyen la dimension d'un homme. Cette information ne concerne pas les faits, mais les structures, les lois generales permettant d'organiser les faits en dehors des jugements de valeurs, des automa-tismes, socioculturels, des prejuges, des morales, des ethi-ques, qui ne sont jamais que celles des plus forts capables de les imposer par la police, la guerre, les lois, 1'abruds-sement par les mass media, 1'alienation economique, l'obscurantisme affectif, l'aveuglement de la logique lan-gagiere et surtout la gratification hierarchique professionnelle. Cette information, cette mise en forme des systemes nerveux humains en un systeme ouvert, capable d'evolu-tion, ne peut se satisfaire des slogans ecules, d'une phra-seologie faussement revolutionnaire qui retrouve, apres avoir soi-disant detruit les structures capitalistes, la dominance hierarchique et la gratification du pouvoir.

Etre homme consiste avant tout a utiliser les aires cerebrales qui nous distinguent des autres especes animales et nous permettent de creer de nouvelles structures. Etre revolutionnaire, ce n'est pas appliquer des grilles inventees a une epoque ou les deux tiers de nos connais-sances scientifiques contemporaines restaient encore a decouvrir, une epoque en particulier qui restait confinee dans le langage conscient, dans les analyses logiques utili-sant le principe de causalite lineaire sans mettre en cause les pulsions, et les automatismes qui menaient et qui menent encore nos discours. Etre revolutionnaire consiste d'abord a imaginer de nouvelles grilles conceptuelles, de nouvelles structures prenant en charge 1'essentiel de 1'apport de 1'ensemble des disciplines biologiques, et cela pas en pieces detachees, en bric-a-brac culturel, mais sous une forme integree, qui partant de la physique abou-tit a 1'espece humaine dans la biosphere, dans le temps de 1'evolution et celui de 1'individu, dans 1'espace grati-fiant d'un homme et celui de tous les hommes, la planete.

Etre revolutionnaire n'est plus alors 1'affaire de quel-ques leaders inspires, d'une elite eclairant la masse, mais celle de tous. C'est sans doute la finalite de 1'espece humaine, car il s'agit d'une revolution permanente et culturelle, non d'une culture langagiere ou d'une praxis sociale uniquement. II n'y a pas d'experience fructueuse sans hypothese de travail, mais 1'experience ne peut se limiter a verifier une theorie qui n'a pu prendre en compte des lois fondamentales qui ont ete decouvertes apres qu'elle fut emise. Toute theorie insuffisante a expliquer certains faits d'experience doit etre incluse dans une theorie plus vaste dont elle devient un sous-ensemble si par ailleurs, bien entendu, elle foumit cependant une interpretation logique et surtout verifiable de beaucoup d'autres. Sinon, c'est un mythe et tout esprit lucide se doit de 1'abandonner.

Nous verrons combien les mots, les expressions sont dangereux du fait que tres vite on oublie 1'objet ou le concept qu'ils sont censes representer et qu'a travers eux, on se contente d'atteindre 1'affectivite insatisfaite et d'ex-ploiter la frustration qui resulte de 1'impossibilite grandis-sante qu'il y a a realiser des actes gratifiants. La pensee politique nous parait de plus en plus encombree par un tel langage.

Conscience, connaissance, imagination, sont les seules caracteristiques de 1'espece humaine. Ce sont celles aussi le plus exceptionnellement employees. Par contre, 1'homme entretient de lui une fausse idee qui sous la pelure avantageuse de beaux sentiments et de grandes idees, maintient ferocement les dominances. La seule facon d'arracher ces defroques mensongeres est d'en de-monter les mecanismes et d'en generaliser la connaissance.

La Verite est une femme nue qui sort d'un puits. Le puits, c'est 1'obscure faconde de notre inconscient.

Je dedie ce livre sans pitie a ceux qui souffrent, aux pauvres, aux alienes, aux prisonniers, aux drogues, aux contestataires, a tous ceux qui ne se sentent pas tellement bien dans leur peau. Mais je le dedie aussi aux nantis, aux honnetes gens, aux flies, aux candidats a la presi-dence, aux notables, a tous ceux qui sont surs de detenir la verite, quelle qu'elle soit, de droite ou de gauche, en esperant qu'ils y decouvriront au moins les germes de l'incertitude, saeur de 1'angoisse, et mere de la creativite.